Domaine du Montcel : un Château-hôtel des Yvelines au patrimoine historique protégé
Des vies successives et des fonctions différentes à travers les époques. Tour à tour résidence privée, collège, état-major de l’armée de l’air allemande et haut lieu de l’art contemporain, les changements de propriétaires et de fonction du Domaine du Montcel ont fait leur œuvre.
Chaque époque a laissé ses traces ou érigé ses témoins à travers un héritage culturel authentique.
C’est, aujourd’hui, de ce patrimoine prestigieux que le Domaine du Montcel tire son goût prononcé pour l’excellence et l’art de vivre à la française.
Du IX au XVIIème siècle :
Les origines
Une dépendance de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Constitué en seigneurie, le Domaine prit tour à tour le nom « du Moucet » et de «La Croix», avant que ne s’impose celui du «Montcel». Les moines de l’abbaye cèdent le Domaine à François d’Escoubleau de Sourdis, écuyer du Roi. Son fils Charles d’Escoubleau devient le premier seigneur du Montcel.
XVIIIème siècle :
Naissance du Domaine du Montcel
En 1760, à Jouy en Josas, Christophe-Philippe Oberkampf fonde et installe la Manufacture Royale des Toiles de Jouy. Il y développe des techniques d’impression sur toiles aux motifs de scènes d’inspiration mythologique, pastorale, galante ou d’animaux venus des Fables de La Fontaine. Cet emplacement n’a pas été choisi par hasard car le site a l’avantage d’être au bord de la Bièvre dont la qualité de l’eau est reconnue et dans un vallon champêtre où des terrains sont disponibles à proximité de Versailles et de Paris.
C’est dans cette continuité qu’en 1795 il rachète le Domaine du Montcel à quelques centaines de mètres.
Si le Domaine a connu plusieurs propriétaires avant la famille Oberkampf, c’est bien cette famille illustre et ses descendants Mallet qui marqueront de façon indélébile l’Histoire du Domaine pendant près de 130 ans, de 1795 à 1923.
De 1795 à 1816 :
Le Montcel sous les Oberkampf
Christophe-Philippe Oberkampf atteint rapidement une notoriété auprès de la Cour du Roi Louis XVI et à l’international de par la notoriété de ses toiles. Il sera même décoré de la Légion d’honneur par Napoléon en 1806.
Il installe sa famille en 1795 dans le Domaine du Montcel qui devient avant tout la résidence de Madame Oberkampf. C’est donc bien à elle que l’on doit l’étape majeure de son Histoire. Consciente qu’une demeure marque le raffinement de son propriétaire et promeut l’image de son statut social, c’est bien à elle que l’on doit les aménagements, embellissements et constructions du Domaine à cette époque.
Embellissements du Château
Madame Oberkampf s’applique à transformer le Château selon le goût néoclassique qui se caractérise par des choix sobres et élégants. En édifiant par exemple une nouvelle aile septentrionale et en remaniant sa façade avec l’ajout d’un perron, le Château acquiert une régularité, une symétrie et une envergure qui lui manquaient. A l’intérieur, l’ordonnancement de colonnes corinthiennes alternées de miroirs, offre ainsi l’illusion d’un portique à l’antique.
Embellissements du parc
Madame Oberkampf récupère un parc agrémenté de jardins réguliers traditionnels à la française, comme ceux que l’on retrouve dans le parc du Château de Versailles. Cependant, l’évolution commence au Petit Trianon de Versailles avec la mise en œuvre du jardin anglais de Marie-Antoinette, créé à partir de 1775 par Richard Mique.
En effet, cet engouement aux jardins à l’anglaise, appelés aussi «jardins pittoresques» ou «jardins paysagers», font triompher l’irrégularité sur la symétrie et la géométrie.
Madame Oberkampf choisit donc de transformer le parc, où la nature est contrainte et organisée, résolument plus à la mode et en confie la réalisation à l’un des architectes-paysagistes écossais les plus célèbres de son temps, Thomas Blaikie entre 1806 et 1808.
Les grands points de sa création sont la rivière anglaise, un étang et sa petite île desservie par deux ponts rustiques, la grotte, les chemins sinueux, les prairies d’arbres fruitiers.
Le jardin est conçu comme un parcours sensoriel et sentimental, les sentiers inattendus conduisent la promenade en ménageant les effets de surprise tout en étant propices à la rêverie, à l’émerveillement, au recueillement et à la mélancolie, telle une moderne Arcadie.
De 1816 à 1923 :
Le Montcel sous les Mallet
Au décès de Madame Oberkampf le 9 décembre 1816, sa fille Emilie, épouse du banquier Louis-Jules Mallet (frère de James Mallet, Premier Baron Mallet de Chalmassy), puis leur fils Henri et petit-fils Frédéric héritent du Domaine.
Entre 1860 et 1870, des constructions contemporaines sont effectuées : la maison appelée «le Chalet» au nord du Château et la «Maison du gardien» à l’entrée du Domaine.
Enfin, on suppose que c’est à cette même époque que la rivière anglaise, à la lisière des communs, est comblée et que l’entrée du Domaine est déplacée dans l’angle sud-ouest de la parcelle, à la rencontre de la rue du Montcel et de la rue de la Manufacture des Toiles de Jouy.
De 1923 à 1980 :
L'Ecole du Montcel
Les frères suisses Jeanrenaud achètent la propriété et fondent une école privée d’excellence pour les garçons de bonne famille. Ils s’inspirent des établissements anglais qui, à la même époque, proposent une éducation prestigieuse et très rigoureuse aux enfants des familles les plus fortunées du pays : cours le matin, activités sportives et culturelles l’après-midi.
Pourquoi le Montcel ? Tout d’abord, le vaste parc offre un cadre naturel spacieux pour développer un programme éducatif dans lequel les activités en plein air tiennent une place primordiale. De plus, l’étendue du site en fait un lieu calme propice à la concentration pour y installer un internat à proximité de Paris.
Les qualités propres à cet environnement n’ont pas échappé à l’école de commerce HEC qui s’est installée à moins de 2 km du Domaine du Montcel.
L’École du Montcel a accueilli parmi ses élèves des personnalités exceptionnelles. En effet, qui aurait pu se douter que parmi les rangs des élèves de cette école bourgeoise de Jouy-en-Josas se trouvaient les futurs artistes à succès :
– le metteur en scène, Jean-Michel Ribes
– le peintre, Gérard Garouste,
– l’auteur, Patrick Modiano (référence à l’Ecole du Montcel dans son roman Rue des boutiques obscures – Prix Goncourt 1978)
– l’un des chanteurs français les plus populaires, Michel Sardou (référence à l’Ecole du Montcel dans sa chanson grivoise de 1972 Le surveillant général).
En conclusion, ce lieu exceptionnel favorise l’inspiration et la création.
Année 1940
L’École du Montcel ferme ses portes car est investie par la Kommandantur, un centre de commandement militaire allemand. A la fin de l’occupation allemande, c’est la Luftwaffe qui projette de s’installer au Montcel, une partie de l’état-major de la composante aérienne de la Wehrmacht établit ses quartiers dans le Domaine. Un bunker est construit entre 1943 et 1944 dans la partie nord-ouest du parc et devait accueillir un centre de détection et d’interception aérienne.
Le 24 août 1944
Les Allemands quittent le Domaine du Montcel en mettant le feu au Château. L’incendie ravageur fait disparaître à jamais toute trace des décors intérieurs créés au XIXème siècle. Les toitures sont complètement défigurées. Dès le mois d’octobre, les travaux de reconstruction du Château sont lancés, avec un objectif précis : rouvrir le collège au plus vite. Seule la façade ouest, toujours debout après l’incendie, est restaurée à l’identique. Il faudra attendre les années 1950 pour que le chantier de reconstruction de la demeure des Oberkampf soit complètement terminé mais on est loin d’une restauration à l’identique.
Année 1967
Grâce à l’insistance de Pierre Jeanrenaud, alarmé par un projet d’autoroute, le site du Montcel fut classé au titre des Sites le 10 avril 1967. Ce classement permit de préserver tant bien que mal l’un des parcs à l’anglaise aménagés en France par Thomas Blaikie, le plus célèbre des paysagistes de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, dont nous devinons encore aujourd’hui les grands points de sa création (la rivière anglaise, la grotte, les prairies ouest et est de part et d’autre du Château).
Année 1980
La concurrence des collèges dans les environs entraîne peu à peu le déclin de l’École du Montcel. L’établissement ferme définitivement ses portes à la fin du mois de juin.
De 1980 à 1984 :
Centre d'art contemporain et club de loisirs sportifs
Après le rachat du Domaine, le mécène, promoteur immobilier et amateur d’art Jean Hamon le convertit en centre d’art contemporain et en club de loisirs sportifs.
Il aménage des ateliers d’artistes, c’est d’ailleurs de cette période que date l’appellation «Village des arts» d’une partie du Domaine. Et surtout, c’est à cette époque qu’est installée une des deux œuvres monumentales les plus importantes que l’on trouve dans le parc.
1982 :
Long Term Parking d’Arman
En 1982, l’artiste, sculpteur et plasticien Arman imagine Long Term Parking, une œuvre monumentale au cœur du Domaine du Montcel. Sa construction a coûté plus d’un million de francs et consiste en un empilement de cinquante-neuf véritables carcasses d’automobiles coulées dans du béton, formant une tour de plus de 19 mètres de haut. S’intéressant aux objets représentatifs de nos sociétés modernes de consommation, Arman a choisi la voiture qui symbolise précisément cela. Il entend également montrer que même si l’objet est sacralisé, cela n’empêchera pas sa destruction prochaine. Ainsi, l’accumulation quantitative d’un même objet permet d’effacer leur singularité et de renvoyer à une image de profusion et d’abondance, tout en soulignant le caractère périssable des produits de la société de consommation et d’abondance.
Au moment de sa création, la tour a fait l’objet de nombreuses controverses car une immense sculpture de béton dans ce cadre champêtre et néo-classique avait de quoi surprendre. Aujourd’hui, l’œuvre est unanimement considérée et reconnue comme l’une des plus importantes du siècle dans le monde de l’art moderne.
Face à des œuvres d’art dont l’essence est justement d’être immortelle, dès sa création, Arman a pensé cette œuvre comme évolutive et a donc réussi l’exploit de créer une structure qui vieillit en même temps que les hommes. Ainsi, après plus de trois décennies, la structure déjà bien évoluée, pourrait-elle disparaître entièrement un jour ?
1983 :
Le Déjeuner sous l'herbe de Daniel Spoerri
Le 23 avril 1983, au milieu de la pelouse du Domaine du Montcel, a lieu une performance de l’artiste Daniel Spoerri, célèbre plasticien et membre du mouvement du Nouveau Réalisme. La performance est intitulée Le Déjeuner sous l’herbe – allusion au célèbre tableau de Manet de 1863 Le Déjeuner sur l’herbe. 120 convives et personnalités du monde de l’art, parmi lesquels se trouvent Arman, César et Pierre Soulages, sont invités à un banquet festif et frugal. A la fin du repas, les tables, la vaisselle, les couverts, les bouteilles et les restes sont enfouis sous terre dans une tranchée d’environ 60 mètres de long, creusée à l’avance.
En 2010, 33 ans après le fameux repas, les fouilles archéologiques ont été réalisées par l’INRAP, l’Institut National des Recherches Archéologiques Préventives. Daniel Spoerri, souffrant, ne peut malheureusement pas assister à cette fouille qu’il avait cependant anticipée et imaginée au moment même de sa performance de 1983.
Les premières fouilles du genre dans le monde de l’histoire de l’art contemporain laissent mettre au jour les couverts du repas et différents objets laissés par les convives. Cette toute première fouille scientifique appliquée à l’art contemporain interroge les limites de l’étude des archives du sol et apporte des renseignements importants sur la mémoire véhiculée par les traces matérielles à court terme.
De cette performance aujourd’hui, il reste des photographies prises pendant le dîner en 1983, mais également un film tourné pendant les fouilles de 2010. Aussi, des moulages en bronze ont été créés à partir des restes. En guise de témoignage permanent de l’œuvre sur place, 6m de tranchée sur les 60 sont encore aujourd’hui enterrés dans le parc du Domaine tandis qu’un autre orne le propre parc de l’artiste en Toscane.
De 1984 à 1993 :
La Fondation Cartier
Le 20 octobre 1984, Cartier inaugure sa Fondation pour l’art contemporain dans le Domaine du Montcel en présence de César et de Jack Lang. La Fondation, inspirée des modèles américains, est alors un projet inédit en France. La première loi sur le mécénat culturel, dite loi Léotard, n’est pas encore votée. Il faut pour cela attendre 1987, et il est clair que la Fondation Cartier a joué un rôle moteur dans cette évolution de la fiscalité du mécénat. La Fondation Cartier n’est donc pas étrangère au foisonnement et à la création d’autres Fondations issues du domaine du luxe à la même période.
Après son ouverture, la Fondation Cartier connaît une gloire médiatique : dix années 1984-1993 où chaque exposition inédite est un événement.
Dirigée par Marie-Claude Beaud pendant cet âge d’or, la Fondation organise de nombreuses expositions et installe des œuvres d’art dans le parc, dont, pour n’en citer que quelques-unes : La Serre de Jean-Pierre Raynaud (1985), Six ifs par Raymond Hains (1986) ou encore le célèbre Pouce en bronze et la puissante Vénus de Villetaneuse par César.
La Fondation s’est développée autour de certaines valeurs avec lesquelles elle a construit son action et continue aujourd’hui encore à affirmer son identité : l’innovation et la liberté artistique, l’engagement pour l’art contemporain, le soutien à la création, la collaboration avec des artistes émergents.
La Fondation Cartier était un centre d’art, non seulement un lieu d’expositions mais aussi bien un lieu de résidence et de création des artistes : un véritable lieu de vie. Les ateliers et les résidences des artistes étaient situés dans le Village des Arts; le bunker, lui, servait de lieu d’exposition principal; dans le Château se trouvait un grand restaurant. Pour Marie Claude Beaud, le fait d’habiter sur place changeait complètement la dynamique du lieu « c’était toute une vie quotidienne et informelle qui s’organisait à la Fondation ». La contribution à construire une activité locale est importante, ainsi, les étudiants d’HEC venaient boire un café dans le bar du Château et des élèves des collèges et lycées alentours venaient visiter la Fondation avec leur classe.
De 1984 à 1989 :
Hommage à Eiffel de César
La Fondation Cartier, dans le cadre de son exposition d’inauguration, se place sous le signe de l’artiste contemporain César, fait la même année Commandeur des arts et des lettres.
C’est dans ce contexte que l’artiste entreprend la réalisation de son Hommage à Eiffel, une plaque géante de 18 mètres haut avec la coopération de ses assistants Jean-François Duffau et Christian Debout « Les Fers de César », œuvre destinée au parc du Château de la Fondation Cartier.
Elle est réalisée à partir des poutrelles provenant de l’opération d’allègement de la Tour Eiffel. Plus précisément, les matériaux utilisés sont issus en partie de fragments d’un escalier de la Tour Eiffel démonté pendant les travaux. Ces fragments achetés en 1983 sont ainsi rassemblés dans un vaste enchevêtrement.
En 1989, la sculpture monumentale est terminée et est inaugurée en grande pompe avec performances et feux d’artifice dans le jardin de la Fondation. Une plaque de 6 mètres de haut utilisant les mêmes éléments de la Tour Eiffel est installée dans le parc de la Fondation Yoshii, au Japon, la même année. L’œuvre de César à Jouy en-Josas a donc une petite sœur à l’autre bout de la Terre, au Japon.
De l’ensemble des sculptures monumentales qui se succèdent dans le parc depuis le début des années 1980, il ne reste aujourd’hui que la sculpture d’Arman Long Term Parking et l’Hommage à Eiffel de César.
2013 :
Acquisition par le groupe Acapace
La société ACAPACE en partenariat avec la société Sofival, acquiert le site exceptionnel du Domaine du Montcel afin d’y créer un établissement hôtelier et de séminaires haut de gamme au sein de ce havre de verdure inspirant. La gestion de ce resort-hôtel-conférence center est confiée au groupe hôtelier américain WYNDHAM (4ème opérateur hôtelier mondial) sous sa marque DOLCE.
Cette opération complexe a mêlé réhabilitation lourde aussi bien pour les parties Château, Chalet, que village – afin de retrouver l’esprit Oberkampf-Mallet du début du XIXème siècle – et construction neuve dans un magnifique site «classé» particulièrement étendu. En effet, le Domaine recèle encore des morceaux d’architecture d’un très grand intérêt, comme le Chalet dans un style de demeure bourgeoise Second Empire.
La philosophie du projet respecte la composition paysagère pensée par l’architecte Thomas Blaikie. Il n’y a qu’un seul moyen d’y parvenir : revenir aux sources, archives et documents d’époque dont on dispose encore. Ainsi, parmi ces sources les plus utiles, s’y trouvent par exemple les cartes de chasse du Roi Louis XVI, qui s’étendent jusqu’à Jouy-en-Josas.
Aussi, le projet de réaménagement du site en lieu d’hébergement, de séminaire et de remise en forme fait sens car le Domaine évoque immédiatement à ses visiteurs le calme et le repos – faisant de ce lieu un lieu tout trouvé pour se concentrer et apprendre.
Habituellement, il est peu courant que les espaces extérieurs des hôtels soient utilisés par leurs clients. A l’hôtel Dolce by Wyndham Versailles, tout est fait pour que les futurs clients puissent profiter des espaces extérieurs du Domaine du Montcel : l’idée est donc avant tout de recréer et de redessiner les anciens chemins à travers le parc et les bois pour accueillir de magnifiques réceptions.